En dépassant les lieux communs sur l’inconstance féminine, Cosi Fan Tutte (Ainsi font-elles toutes) explore les intermittences du cœur et de la fragilité du désir. À l’école des amants, deux couples vont apprendre la lutte permanente entre les aspirations de l’âme et l’appétit de la chair, quatre corps vont être mis à l’épreuve et leurs cœurs livrés au jeu cruel de la séduction. Tout apparaît clair dans le livret : trois femmes, trois hommes; deux amantes, deux amants, deux manipulateurs. L’opéra ressemble à la démonstration d’un théorème, au développement d’une épreuve—presque au sens photographique du terme. Ici tout commence par un pari : Cosi Fan Tutte est un jeu, un jeu dangereux peut-être, mais un jeu. Et à la première vue, l’histoire pourrait se résumer à une farce cynique et amère sur fond de jeu de dupes. Mais sous l’apparente badinerie de ce chassé-croisé amoureux, se cache une leçon désenchantée sur la nature humaine qui sombre dans les vertiges d’un désir destructeur. La musique de Mozart et le livret de Da Ponte composent cet ambitieux opéra construit autour d’un thème beaucoup plus complexe, riche et perturbant que le titre ne pourrait le faire croire, un thème qui offre aux chanteurs des multiples possibilités dans l’exploration des jeux du désir. C’est ici, il s’agit bien du désir et non de la tromperie amoureuse. En effet, qui trompe qui ? Qui est infidèle ? Les deux femmes « par nature » infidèles ou les deux hommes qui, au nom de l’honneur trompent leur fiancé et leur ami ?
Pierre Thirion-Vallet, metteur en scène